Veni, vidi, Vinci! Je suis venu, j’ai vu, j’ai peint! Cette formule, habilement détournée par les artistes Lek et Sowat, condense à elle seule les siècles de rayonnement culturel et artistique de la capitale romaine…
Inspirée de la célèbre citation de Jules César prononcée au retour de la campagne victorieuse de Zela en 47 av. J.-C., cette expression décrit l’influence culturelle de Rome, foyer de la Renaissance, qui a su attirer les grands artistes du monde entier en quête de formation et d’inspiration. Cependant, cette devise n’émane pas du centre touristique de la belle ville. Pour la trouver, il faut descendre quelques pas vers le Sud, jusqu’au quartier populaire de Tor Marancia, où elle est exposée au grand jour sur la façade d’un bâtiment.
Abandonnons donc quelques instants la Rome Antique, le Colisée, la fontaine de Trevi et le Panthéon pour sortir des sentiers battus et explorer plus en profondeur la richesse créative de cette Rome périphérique.
Tor Marancia
Tor Marancia est l’un de ces quartiers défavorisés de la périphérie sud de Rome désormais transformé en galerie d’art à ciel ouvert. Ancien bidonville construit à la fin des années 1920 en terrain marécageux, il fut baptisé “la Shanghai romaine” dès les années 1930 en référence à ses fréquentes inondations. Depuis, de véritables fresques monumentales sont apparues sur ses murs, souvent le fruit d’une démarche partagée entre habitants, artistes et politiques qui souhaitent redonner vie et couleurs aux murs de ce quartier populaire. The Big City Life project, lancé par la collectivité publique en 2015 a convié 20 artistes du monde entier pour la réalisation de 22 peintures murales souvent très inspirées de la vie ou de l’histoire des habitants du quartier.
Qu’y trouve t on ?
À l’entrée du quartier, le visiteur est accueilli par le murales “Welcome to Shanghai” réalisé par Caratoes, un artiste originaire du vrai Shanghai. Il représente une femme portant dans sa main l’origami d’une louve.
Plus loin se tient l’œuvre impressionnante du français Seth, “L’enfant rédempteur”, montrant un enfant curieux, qui, juché sur les marches multicolores d’une échelle qu’il s’est lui même dessinée, semble observer avec insistance ce qui se passe à l’intérieur du quartier. L’enfant de la peinture n’est autre que le jeune Luca, un petit garçon qui serait né et décédé dans le quartier.
Les passants sont ensuite salués par une main immense dont les détails fourmillants plongent le spectateur dans l’infiniment petit. Philippe Baudelocque, autre français à investir le quartier, a décidé de reproduire la main d’Elisabetta, une habitante de l’immeuble qui passait des heures à l’observer alors qu’il peignait la façade du bâtiment.
Non loin de là, trône la façade portant le message de fierté “Veni, vidi, Vinci” de Lek et Sowat en hommage au grand peintre italien Léonard de Vinci.
À la rencontre des vrais romains…
Impliqués tant dans le sujet des œuvres que dans leur entretien et leur présentation au public, les habitants sont souvent fiers de participer à la régénération culturelle et au développement social de leur quartier sans le dénaturer ni en occulter les malheurs passés. Des lieux souvent tristes et gris: entrepôts, piliers, palissades de béton, façades de bâtiments industriels ou à l’abandon, retrouvent des couleurs et se réintègrent à l’espace de vie.
D’autres temples du street art romain…
D’autres quartiers font aussi parler d’eux dans le monde du Street Art et notamment celui du Quadraro au Sud Est de Rome. Là aussi les habitants aiment partager leur quotidien et retracer l’histoire de leur quartier. Par exemple, Garry Baseman raconte sur l’un des murales la tragédie du 17 avril 1944, jour où les nazis ont débarqué dans le quartier et déporté 900 hommes en Allemagne dont la moitié n’est jamais revenue.